L'Hebdo des socialistes du 30 novembre est consacré au pouvoir d'achat et donc aussi au prix de l'énergie.
Le dossier principal est d'ailleurs illustré par une grande photo d'une station Total et du "totem des prix".
Notons que le PS persiste et signe :
1) dans son édito Jérôme Cahuzac écrit :
"Le rétablissement de la TIPP flottante ne contredit pas le principe d’une taxe carbone. Nous proposons d’ailleurs une taxation des cartes grises pour les véhicules polluants. Mais la hausse, très forte, du prix du pétrole est impossible à assumer, notamment dans les territoires ruraux, par des populations disposant de très faibles retraites. Amortir la hausse des prix des carburants est donc légitime."
Mais si camarade Cahuzac il y a contradiction : rétablir la TIPP flottante est à l'opposé du principe d'une taxe carbone, qui, générale, envoie un signal prix destiné à modifier les changements de comportement.
Et pourquoi au motif d'aider (c'est un objectif que nous partageons) les retraités en milieu rural, faudrait-il "aider" tous les ménages, y compris les ménages aisés ?
La fiscalité pétrole est à construire, en y réintroduisant d'ailleurs le principe de la "progressivité", calé sur une juste appréciation des usages économiques et sociaux et des impacts environnementaux : un vaste chantier pour les socialistes !
2) dans l'article d'entrée du dossier de l'hebdo, signé Thomas Colognac, on peut lire : "Sur la hausse du prix des carburants, il est proposé de revenir à la TIPP flottante et d’instaurer un chèque- transport financé par un prélèvement sur les profits exceptionnels des compagnies pétrolières."
C'est un peu sec. Et surtout insuffisant en regard des enjeux. On remarque que le lien entre taxe sur les profits exceptionnels et chèque transport se fait sans qu'aucune délibération n'ait eu lieu nulle part au Bureau National ou dans une instance habilitée. La taxe en question gagnerait à financer un fond destiné à désensibiliser notre économie du pétrole. Cela s'appelle "préparer l'avenir", plutôt que de financer la consommation de pétrole par un prélèvement sur les compagnies pétrolières ... Et d'ailleurs, n'y a t il pas, là aussi, à préciser les bénéficiaires du chèque transport ?
3) page 15 on peut lire qu'il faut "aider les consommateurs à passer le cap" et que la TIPP flottante "permet de faire bénéficier les consommateurs de la rente pétrolière de l'Etat dont les recettes pétrolières augmentent mécaniquement grâce à la TIPP et la TVA ". Quelques lignes au dessus on peut lire que "le pétrole cher est un phénomène inéluctable". A aucun moment ce papier ne se pose la question de savoir comment on prépare l'avenir, et si les socialistes pourraient imaginer, dans le monde d'aujourd'hui, un autre usage de la "rente pétrolière" que celui-là ? D'ailleurs la suppression (justement proposée par le PS) de l'exonération de taxe pour les carburéacteurs rapporterait 1,3 milliards d'Euros à l'Etat, qui pourrait être affecté aux mesures redistributives pour les ménages les plus pénalisés
... heureusement l'interview centrale de Joël Maurice, professeur à l'ENPC est d'une autre tonalité. Dès le chapeau la problématique sociale est posée : "le coût de l'énergie ne pourra qu'augmenter. Il est donc nécessaire, par des mesures redistributives appropriées, de faire en sorte que les ménages modestes ne soient pas pénalisés".
Page 18, Joël Maurice dit : "Il est souhaitable d'avoir un prix des hydrocarbures élevé pour inciter au remplacement de ces énergies polluantes par d'autres. Mais en même temps, il est insupportable que le consommateur en souffre. Mais attention, on ne souffre pas de la même façon selon la catégorie sociale à laquelle on appartient. On ne peut pas user du même outil fiscal pour un conducteur de 4x4 et une personne âgée ou malade qui a besoin de se chauffer : il faut cibler les effets redistributifs des mesures à prendre. le renchérissement du pétrole, du gaz, et plus largement de l'énergie étant inéluctable, s'il y a des gens qui ne peuvent pas se dispenser d'en consommer, ce sont eux qu'il faut aider en priorité. Il faudra bien qu'à terme les décisions des agents économiques soient prises en fonction du vrai coût de l'énergie, y compris celui de pollution. Je suis favorable à une taxe carbone dont les rentrées fiscales seraient redistribuées sous forme de transferts ciblés et de crédits à la recherche".
A aucun moment dans son interview il n'évoque la TIPP et son flottement éventuel.
Pour lui, il est clair qu’il faut passer à autre chose. En l’occurrence la « taxe carbone » ou « contribution énergie climat ».
La mauvaise conscience de la « rue de Solférino » aurait elle laissé s'exprimer le possible futur par le biais de cette interview ? En tout état de cause, Joël Maurice incarne ici le débat qui n'a pas lieu, et dont on peut penser qu’il permettrait d'accoucher un futur qui ne soit pas plombé par des propositions déphasées ou démagogiques. Au passage, en conclusion, il évoque le risque que l'Europe rate "la révolution solaire comme jadis la révolution informatique".
Pas d’autre solution que remettre le PS sous tension démocratique, sous la tension du vrai débat.
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