Saluons la vertu démocratique de la démarche du Grenelle proposée par les associations écologiques. La consultation des publics a débuté, elle sera cependant bien courte pour permettre l’engagement de tous au service de la nécessaire révolution écologique. La France est très en retard en matière environnementale: intensité énergétique médiocre, lanterne rouge pour les énergies renouvelables hors hydroélectricité, position de « pointe » en matière de kilomètres parcourus en voiture individuelle, en volume de déchets d’emballage par personne, pour l’usage des pesticides et des engrais chimiques dans l’agriculture, retard sur la transposition des directives européennes environnementales. La dramaturgie d’un Grenelle peut être utile pour se mettre à niveau.
Mais un Grenelle ne fait pas forcément le printemps. Les préconisations issues des rapports des groupes de travail, lorsqu’elles sont consensuelles, correspondent parfois à ce qui était dans les tuyaux des différents ministères. L’enjeu, si décisif pour notre avenir à tous, suppose pourtant que des mesures fortes et dérangeantes soient décidées. Le principal risque est de déboucher sur un catalogue de mesurettes sans véritable portée ni signification. Il est donc important que soient tranchées les questions les plus significatives, qui font souvent l’objet de désaccords voire ne figurent même pas sur l’agenda. Il est de la responsabilité de tous, citoyens, associations, syndicats, partis politiques, y compris ceux d’opposition, de travailler et d’agir en ce sens et de tout faire pour que le traitement des questions de fond ne soit pas renvoyé à plus tard.
Ceci exige des choix clairs et cohérents, sans se laisser aller aux savantes ambiguïtés, compromis boiteux et discours non suivis d’effets qui, en ce domaine, continuent à être trop souvent utilisés. Limitons nous ici à trois exemples, parmi les plus significatifs :
1) Le prix du carbone. Chacun sait que c’est un sujet essentiel à long terme pour lutter contre le réchauffement climatique. La priorité reconnue à une réévaluation régulière du prix des énergies, notamment fossiles, est seule à même d’orienter durablement nos économies vers une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre. La fiscalité peut et doit jouer un rôle majeur dans cette évolution. Encore faut-il accepter clairement son augmentation sur moyenne période, et poser publiquement et explicitement les contreparties, en matière de pouvoir d’achat ou de restructuration de certains secteurs comme le transport routier de marchandises. La priorité climatique n’a de chance d’entrer en vigueur que si elle se conjugue à des réponses correspondant à l’urgence sociale.
2) Le nouveau système énergétique. Plutôt que de se résigner au débat tronqué que propose le gouvernement en excluant dès le départ le nucléaire, abordons de front l’évolution souhaitable de notre bilan énergétique et électrique. La question de savoir si l’on est pour ou contre le nucléaire occulte malheureusement le fond de ce que devrait être le débat : quel système énergétique voulons nous pour faire face aux défis du futur ? Est-il simultanément possible de construire un nouveau réacteur nucléaire EPR à Flamanville, pour au moins 3 milliards d’euros et mettre sur pied un plan massif pour les énergies renouvelables ? Est-ce cohérent de développer massivement notre capacité de production électrique et vouloir qu’à horizon 2020 les constructions neuves soient à énergie positive ? Est-il raisonnable que, par ses exportations croissantes d’électricité, la France devienne de plus en plus la plate-forme nucléaire de toute l’Europe, en accumulant sur notre territoire des déchets dangereux et des risques ? Pour nous, le choix est clair : la construction de l’EPR est incompatible avec une vision saine et cohérente du développement du service public de l’énergie que nous appelons de nos vœux, et avec le nécessaire redéploiement de notre système énergétique et sa décentralisation.
3) Le mode de production agricole. L’évolution vers une agriculture privilégiant la qualité et la protection de l’environnement suppose de modifier profondément l’organisation de ce secteur. Il est incompatible avec le développement de filières OGM dans l’état actuel des connaissances sur les risques à long terme de ces produits et les conséquences possibles de leur dissémination. Tant que ces questions essentielles ne sont pas réglées, il ne faut pas permettre la culture d’OGM en plein champ. Ceci suppose un moratoire suivi d’un vote d’une loi fixant la responsabilité entière des opérateurs mettant en œuvre ces cultures, sur le modèle de la législation actuelle existant en Allemagne.
Ces questions interpellent la société toute entière, et donc le parti socialiste lui-même. Plutôt que de se focaliser sur la question des moyens, justement mise en évidence par les élus des collectivités locales, ou de s’aligner sur les intentions du gouvernement, il doit pousser pour que de vraies mesures structurelles soient décidées, quitte à dénoncer plus tard leur absence. Plutôt que sa position actuelle, élaborée en tout petit comité sans vraie concertation, illisible à force d’ambiguïtés, il doit sur ces questions majeures avoir le courage de choix clairs. Il n’y a pas de fatalité à ce que notre parti reste inaudible, comme il l’est trop souvent en ce moment. Il lui revient simplement de refaire de la politique, au vrai sens du terme et d’interpeller l’avenir. Il lui revient de la faire en se mettant sous tension démocratique.
Le PS a enfin l’occasion de trancher ces questions, trop longtemps écartées. Il y trouvera l’occasion d’une rénovation profonde des fondements de son projet, associant pleinement les trois exigences majeures du monde d’aujourd’hui et de demain, la protection écologique, la justice sociale et le développement économique. Que ce soit à travers un quatrième forum de la rénovation consacré au défi écologique, après les municipales, organisé comme une convention associant tous les adhérents du parti, ou à travers un congrès extraordinaire, dédié au projet, avant la fin juin 2007, la direction du PS a le choix entre le volontarisme ou l’attentisme et l’ambigüité. Quoiqu’il arrive, notre conviction est que le socialisme de ce temps sera écologique ou ne sera pas.
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Tribune signée le 10 octobre dernier par Gaétan GORCE, député de la Nièvre, Géraud GUIBERT, délégué national du PS à l’écologie et Eric LOISELET, membre du conseil national du PS.
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