Plusieurs dirigeants socialistes viennent de déposer une proposition de loi de rétablissement du mécanisme de la TIPP flottante pour les hydrocarbures, qui sera débattue à l’Assemblée Nationale le 29 novembre. Et cela quelques jours seulement après avoir défendu l’idée d’une taxe carbone, qui, bien sûr, ne saurait exister sans sa composante majeure, les hydrocarbures ! Il y a une certaine forme d’incohérence dans cette démarche. Nous sommes des militants, responsables et élus socialistes nous souhaitons dire notre désaccord avec cette proposition. Celle-ci s’explique en partie par l’absence de débats qui caractérise le PS depuis de longues années, empêchant de déboucher sur des orientations tranchées. Notre parti, pour se refonder, a un devoir de clarté et de cohérence dans ses choix, qui doit commencer dès aujourd’hui.
Résumons le débat qui, pour le moment, n’a pas eu lieu au sein du parti socialiste et de la gauche. Le prix du baril de pétrole sur le marché mondial s’élève de manière très rapide, jusqu’à près de 100 dollars ces derniers jours. Chacun le sait, la poursuite de cette hausse est à moyen terme inéluctable compte tenu du faible accroissement des réserves, de la montée de la demande des pays continents que sont l’Inde et la Chine, et des efforts insuffisants des pays industrialisés pour sortir de l’économie carbonée. La priorité à la lutte contre le changement climatique, reconnue par tous comme une véritable question de survie à terme pour l’espèce humaine elle-même, suppose un changement profond de modèle économique.
De tout point de vue, la réduction de la consommation des énergies fossiles est indispensable. Parmi d’autres mesures, le renchérissement de leur prix constitue un puissant signal pour y parvenir, et même si on voulait l’atténuer, l’écart entre l’offre et la demande se chargerait - mais dans les pires conditions - de le renforcer structurellement et de façon durable. Notre conviction est qu’il est préférable de prévoir et d’anticiper plutôt que de subir. Plus nous tarderons pour mettre en œuvre les mesures nécessaires, plus celles-ci s’imposeront alors de façon brutale et difficile sur le plan social ; les plus durement frappés seront les plus modestes : ce n’est pas acceptable pour le parti de la justice sociale.
La proposition de loi du groupe socialiste de rétablir la TIPP flottante est totalement déphasée par rapport à cette ligne directrice. L’objectif affiché est de réduire, en principe temporairement, cette taxe en période de prix du pétrole élevé comme aujourd’hui, au nom de la priorité donnée au pouvoir d’achat, et en utilisant les recettes fiscales nouvelles que la hausse des prix du brut procurerait à l’Etat.
Ce dernier argument est d’abord faux : la hausse du prix du brut ne se traduit pas par un accroissement des recettes de l’Etat, mais par une diminution, car elle a pour conséquence une baisse de la quantité de carburants consommée. Celle-ci entraîne une moindre rentrée de la TIPP, assise sur des volumes, qui compense largement la hausse des recettes de TVA. Mais l’essentiel est ailleurs : l’introduction de la TIPP flottante enverrait aux acteurs économiques, ménages et entreprises, un message à contre sens, celui que la hausse des prix du brut ne serait que temporaire et passagère, ce qui irait à l’inverse des objectifs majeurs de modification des comportements et d’encouragement de toutes les technologies propres.
Il est évident que la hausse du prix du brut pose un problème important à nombre de nos concitoyens, en particulier les plus démunis. Elle alourdit les factures de chauffage et renchérit le coût des déplacements, notamment entre le domicile et le lieu de travail, ce qui constitue pour beaucoup, à court terme, des dépenses contraintes inéluctables et insupportables.
Face aux mutations engagées, il est essentiel d’accompagner nos concitoyens les plus durement touchés par les conséquences immédiates du changement. Cela ne peut se faire par une méthode du passé. Ces questions, qui se ramènent à celle du pouvoir d’achat, peuvent et doivent se régler par d’autres méthodes : à court terme par la hausse des bas salaires et des minima sociaux, le chèque transport pour les salariés accompagné d’une obligation d’élaborer des plans de déplacement d’entreprise en concertation avec les personnels et les syndicats, la création d’une aide pour payer les charges sur le modèle de l’APL, la réforme de la fiscalité locale et celle de l’assiette des charges sociales, des baisses ciblées de TVA ; à moyen terme par un effort d’investissement considérable pour les économies d’énergie et les énergies renouvelables dans les logements et la restructuration des systèmes de transport ainsi que par l’adoption de normes strictes limitant d'ici 2012 à 120 grammes de gaz carbonique par kilomètre les émissions pour les véhicules particuliers.
Pour financer ces mesures, un prélèvement supplémentaire sur les profits des compagnies pétrolières est une nécessité impérative. Celui-ci pourrait être affecté à un fonds à créer pour désensibiliser notre économie au pétrole.
Nous sortons d’un Grenelle de l’environnement, avec des conclusions pleines de bonnes intentions dont il reste, et c’est évidemment la seule chose qui compte, à savoir comment elles vont se traduire en actes. Pour le moment, il n’y a ni moyens, ni calendrier précis. Ce qui est sûr, c’est qu’il est essentiel de sortir de ce décalage permanent entre les discours et les actes qui est la marque des politiques de « développement durable » depuis plusieurs années.
Le parti socialiste doit lui-même y contribuer. Face à l’enjeu majeur de la « décarbonisation » de l’économie, évitons des choix incohérents et à courte vue qui sacrifieraient l’avenir au profit de facilités immédiates. L’identité historique du socialisme, la question sociale, le place en théorie en bonne position pour répondre au défi écologique, car il ne peut y avoir de prise en compte efficace et durable de l’un sans l’autre. Notre conviction est que la pierre angulaire du socialisme du XXIème siècle sera la conciliation du social et de l’écologie, ce qui suppose que la seconde ne soit pas sacrifiée au profit du premier. Le temps de le prouver est venu. C’est possible, maintenant, en abandonnant la proposition de rétablissement de la TIPP flottante pour lui préférer un vrai projet de justice environnementale, économique, sociale et donc fiscale.
Parmi les membres de Coatlicué, les rédacteurs de cette tribune sont Géraud GUIBERT, responsable national à l'écologie du PS, vice-président de la communauté urbaine du Mans, Eric LOISELET, membre du conseil national du PS, et Thierry WAHL, délégué national du PS, ancien directeur adjoint du cabinet de la ministre de l'environnement.
Gaetan GORCE, député PS de la Nièvre, Philippe TOURTELIER, député PS d'Ile-et-Vilaine, Nicole BRICQ, sénateur PS de Seine-et-Marne, Bruno REBELLE nous ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils approuvaient cette prise de position.
Cette tribune a été publiée par Marianne2.fr et par Betapolitique. Gaetan Gorce l'a publiée sur son blog.
Grâce à Marianne2, il est possible d'écouter et de charger cette tribune en version audio.
tipp flottante= un pansement sur une jambe de bois
nous devons revoir notre copie au plus vite et faire des propositions à la hauteur des enjeux.
bravo pour votre initiative
gilles PS 74
Rédigé par : gilles goddet | 28 novembre 2007 à 22:51
Analyse brillante. Et jolie initiative que ce blog que je viens de découvrir.
au plaisir d'avoir de vos nouvelles bientôt
Rédigé par : Fabrice | 29 novembre 2007 à 15:21
Bonjour,
Nous sommes également en accord avec ce texte. Nous avons réagi sur notre site Internet : "PS et TIPP flottante : le symptôme d'un parti à reconstruire".
A nous de travailler pour que notre parti adopte un projet économique et social cohérent, et inscrit dans le long terme.
Nous espérons que nous aurons l'occasion de réfléchir ensemble à ce projet !
Les membres de l'association Socialécologie
Rédigé par : Socialécologie | 01 décembre 2007 à 14:37
Philippe Tourtelier, député d'Ille-et-Vilaine, approuve cette position.
Rédigé par : Tourtelier Philippe | 07 décembre 2007 à 10:19